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Voyages

LA PANTHERE DES NEIGES

By avril 17, 2022juillet 11th, 20242 Comments

(Panthera Uncia)

Animal mythique par excellence, la panthère des neiges fait aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises des photographes animaliers. Les expéditions pour l’observer, même si elles restent encore de vraies aventures humaines et techniques, se sont largement développées ces dernières années, et l’animal fait régulièrement désormais la une des couvertures de revues spécialisées où le sujet de récits romancés.

Cette récente notoriété, les mesures de protection qui l’accompagnent, l’écotourisme engendré ont permis à l’espèce de passer récemment du stade d’espèce en danger à espèce vulnérable au sein de l’UICN, et c’est une bonne chose.

Je suis donc, moi aussi, parti l’observer, dans la province de l’Himachal Pradesh  en Inde, plus particulièrement à quelques encablures du village de Kibber dans la chaine himalayenne dans les canyons de la rivière Spiti à près de 4500 ml d’altitude du 15 au 27 février 2020.

Récit du séjour

Mais avant tout un peu de biologie.

La panthère des neiges, ou léopard des neiges est un félin solitaire de taille moyenne (entre 45 et 55 kg)  dont l’aire de répartition se situe dans les vallées des hautes montagnes d’Asie centrale, de Sibérie et de l’Altaï. La population totale varie entre 4000 et 7000 individus. L’Inde, la Chine et la Mongolie concentrent à eux seuls plus de la moitié de la population mondiale. 

Discrète et difficile à voir, elle affectionne les terrains escarpés et les pentes fortes où elle chasse à l’affût le Grand Barhal et l’Ibex de Sibérie mais ne dédaigne pas non plus les marmottes, les pikas, les oiseaux et…les végétaux. Sa queue qui représente la moitié de son corps sert d’indispensable balancier lors des séances de chasses particulièrement risquées dans les falaises abruptes.

La mère s’occupe seule de ses jeunes (2 ou 3 par portée) qui resteront avec elle 2 ans au maximum.  En liberté elle peut vivre jusqu’à 12 ans, 25 en captivité. Très territoriale elle parcourt ses zones de chasse en marquant son passage par des frottements olfactifs avec sa tête, en urinant ou en laissant en évidence ses fèces.

La panthère des neiges inspire encore de nombreux mythes dans son aire de répartition. En Mongolie elle sert de monture aux chamans, dans d’autres régions elle est l’animal le plus vénérée du monde animal.

L’ancienne Route Inde – Tibet : la Hindustan Tibet Highway

Pour accéder au graal, il va falloir emprunter l’ancienne route Inde – Tibet, une des routes les plus dangereuses du monde. Autre fois voie de commerce entre l’Inde et le Tibet, fermée depuis la guerre sino-indienne de 1962, stratégique du point de vue militaire, elle est réputée pour être « praticable » toute l’année…

Google maps nous dit 16 heures de trajet, notre organisateur, Baptiste Bataille nous dit plutôt 30…à voir 

1ier jour (15 février 2020)

Arrivée à New Delhi et départ immédiat pour Rampur, 485 km a priori au moins 12 heures  de voyage,  il est 7H30. Jusqu’à Chandigarh, chef-lieu du Pendjab et son million d’habitants à 260 km de New Delhi, on a l’impression d’être toujours dans la banlieue de la capitale. De part et d’autre de la route tout est construit. La pollution ne nous a pas quittés depuis Delhi, elle est omniprésente, invisible dans l’air avec une nébulosité qui irrite la gorge mais aussi visuelle, la route n’est que détritus en tout genre qui s’amoncellent. La surpopulation et cette pollution chronique tueront ce magnifique pays. Après Chandigarh, la route monte progressivement et la plaine laisse progressivement la place à la montagne. Mais là encore la montagne est parsemée de constructions en tout genre de l’immeuble aux taudis de bric et broc, accrochées à des hauteurs vertigineuses dans des endroits improbables, on imagine la difficulté à ramener les matériaux de construction, c’est incompréhensible !! La nuit la montagne scintille des lumières de ses habitations perchées. Et on comprend encore davantage les difficultés à traiter les pollutions face à cette  anarchie urbaine. Arrivée la nuit vers 23H00 à Rampur dans l’état de l’Himachal Pradesh, nuit dans un hôtel 4*svp. 15 heures de voyage au final…pour 485 km, Baptiste avait raison ….

2ième jour (16 février 2020) Journée à Rampur

Constante du jour 97 en Oxygène et 84 de Cardio (matin)

Commune de 5600 habitants perchée à 1400 ml d’altitude traversée par la rivière Sutlej qui sert malheureusement de dépotoir, malgré sa station d’épuration. Excepté le Padam Palace qui appartient à une famille de dignitaires locaux, la ville est sans prétention. Malgré tout comme partout en Inde les gens y sont chaleureux et accueillants.

Padam Palace de Rampur

Le gardien du Palace coiffé de sa toque traditionnelle de la province portée aussi bien par les femmes que les hommes.

3ième jour (17 février 2020) Départ pour KIBBER

Constante du jour 96 en Oxygène et 95 de Cardio (soir)

Dans les voitures à 7H00 du matin et c’est parti pour les 320 km qui nous séparent du village. La route est fidèle à sa réputation. Notre chauffeur a l’œil rivé sur la falaise. Des panneaux estampillés Shooting Stones fleurissent sur le bas-côté. La route est jonchée de pierre de toute taille, quand  ce n’est pas un éboulement ou une  avalanche qui nous barrent la route et ralentissent notre progression. Elle mérite bien son classement au hit-parade des 10 routes les plus dangereuses du monde. En perpétuel travaux, ce sont des intouchables qui s’activent, hommes et femmes, à entretenir cette voie de communication dans des conditions de sécurité que je vous laisse imaginer… 

Arrêt obligatoire à Reckong Peo pour obtenir le permis nécessaire à l’entrée dans le parc national, laisser-passer récupéré en 2 heures. Au check point suivant on croise un groupe de touristes indous un peu arrogants, bourgeoisie de New Delhi venu là pour faire du 4×4  dans la chaine himalayenne. A la nuit tombante nous retrouvons nos touristes, peu avant Kaza, la dernière grosse bourgade avant Kibber, une des voitures a fini sa course dans le ravin sans faire de blessés,  désormais tétanisés ils n’osent plus poursuivre leur chemin…

Arrivée à Kibber à 22H00, il fait -20°C, nous sommes installés dans nos chambres où un poêle bricolé, qui marche au bois ou à la bouse de yack séchée assurera la chaleur pendant notre séjour.

Après une avalanche, le tractopelle, posté à demeure, dégage la voie…

Après un éboulement, cette fois-ci ce sont la pelleteuse et le camion qui s’y collent…

Avec les chutes de pierres et les avalanches, les travaux de remise en état permanent rendent la progression lente avec souvent des heures d’attente…en bord de précipice

Les ponts sont souvent décorés de drapeaux de prière  tibétains 

Mieux vaut avoir l’oeil sur la montagne…

un rare portion de route relativement tranquille…

4ième jour (18 février 2020)

Constante du jour 87 en Oxygène et 82 de Cardio

Mal de tête pour certains et passage par la bombonne à oxygène….

C’est en plein jour que l’on découvre Kibber ….et la réalité de la route qui nous a conduit jusqu’ici, effrayant…

Kibber perché à 4200 ml d’altitude

Les spotters  (les guides envoyés aux aurores chercher l’animal) nous signalent la présence d’une femelle et de ses 3 jeunes ainsi que d’un mâle. En route sur  les cimes. Il fait « chaud » en plein soleil et les brumes de chaleur, qui remontent le long des parois rocheuses ne facilitent pas la prise de photos, mais elles sont bien là déambulant dans les canyons de la rivière Spiti, dormant les ¾ du temps et guettant les ibex et autres barhals.

Femelle léopard des neiges, ses 3 jeunes ne sont pas loin…

La famille au complet…

Mon guide c’est Chhuldim, porte tout, installe tout, moi je porte mon corps, comme le chien qui nous accompagne surnommé Momo pour l’occasion, et c’est déjà pas mal à cette altitude….

Fin de la journée à 17H00, les diners sont excellents la nuit est difficile, le poêle consomme aussi le peu d’oxygène qu’il y a dans la chambre et l’impression d’étouffer est vraiment sensible.

5ième jour (19 février 2020)

Constante du jour 86 en Oxygène et 100 de Cardio (l’impact de l’altitude est flagrant)

Départ à 7H30, l’animal a été repéré sur un autre spot, la marche est usante pour y arriver, je crache mes poumons, la journée se passe tranquillement entre attente et prise de photos effrénées dès que ça bouge… Dans le ciel le balai incessant des gypaètes barbus, des craves à bec rouge et des chocards, au-dessus du précipice  nous fait passer le temps.

6ième jour (20 février)

Constante du jour 85 en Oxygène et 107 de Cardio

On passe la journée à suivre un mâle qui suivra lui-même un groupe d’ibex sans succès. L’occasion de discuter avec mon guide. J’apprends qu’il est le chef du village. Nous sommes dans le Tibet indien donc du point de vue spirituel c’est plutôt  bouddhiste  contrairement au reste de l’Inde, je lui pose la question des  morts à ces altitudes…Les contraintes liées à la nature et la foi en la réincarnation simplifient en quelque sorte le rite funéraire de ces vallées perdues. En hiver le corps est brulé. En été il est amené en montagne, après que le moine ait chanté autour du défunt, le corps est ensuite découpé par le rogyapa (caste spécialisée dans la fonction) la chair est mélangée à de la farine d’orge, du thé et du lait de yak avant d’être donné aux vautours et aux gypaètes qui emmèneront l’âme au ciel, sauf si les chiens sauvages passent avant… Mon guide est aussi rogyapa…

7ième jour (21 février)

Constante du jour 80 en Oxygène et 90 de Cardio

Pas de léopard annoncé, on en profite pour visiter le monastère Key à 6km de Kibber.
Construit vers l’an 1000, son architecture résulte de l’empilement des temples construits  les uns sur les autres au gré des saccages de guerres, des feux ou des ravages de tremblements de terre lui donnant aujourd’hui l’aspect d’un fort. Les pièces sont richement ornées de peintures murales. Une centaine de moines y vivent en permanence.  Le millénaire du monastère a été célébré en 2000 en présence du Dalaï Lama qui souhaitent y passer la fin de sa vie d’après le moine avec qui nous échangeons.
14H30 notre léopard est à nouveau en chasse, encore ratée. Le soir cour de cuisine tibétaine sur les momos, raviolis fris aux légumes ou à la vapeur. Et chose exceptionnelle, 1ière douche depuis notre arrivée à Kibber…marre des lingettes !

Monastère Key, porte d’entrée, vue d’ensemble, peintures murales, cour intérieure 

Cours de cuisine le soir ..où l’art de fabriquer des momos

8ième jour (22 février)

Constante du jour 93 en Oxygène et 86 de Cardio

Pas de panthère, alors photos d’un ibex pas farouche qui se laisse facilement approcher.

9ième jour (23 février)

Constante du jour 87 en Oxygène et 78 de Cardio

La panthère est très proche du village… Effectivement et pour la première fois, elle est à moins de 150 ml de nous, avec un barhal juste en dessous de lui à environ 25 ml dans les falaises, avec une patte cassée. Nous attendons la chasse qui semble imparable. Une proie facile… qu’il ne verra jamais gêné sans doute par un promontoire qui lui cachait la vue, mais quand même avec un odorat pareil….pas très douée la bête !

10ième jour (24 février)

Constante du jour 88 en Oxygène et 72 de Cardio

Départ à 9H00 pour la plus longue ascension et la plus dure du séjour pour retrouver notre animal au milieu de plusieurs barhals mais pas de chasse réussie cette fois encore. Au retour je croise une « vieille anglaise » de près de 80 ans venue elle aussi photographier la bête, respect !

11ième jour (25 février)

Constante du jour 94 en Oxygène et 72 de Cardio

Pas de panthère aujourd’hui alors on flâne dans le village et ses 300 âmes qui dispose d’une école, d’un collège, d’une poste, d’un dispensaire qui n’a de nom que le nom et évidemment d’un temple flambant neuf.

La neige recouvre tout mais dans la journée, avec les rayons de soleil, les ruelles qui serpentent entre les maisons deviennent un cloaque boueux et nauséabond où se retrouvent ordures en tout genre (vive le plastique) et les eaux usées des habitations qui se jettent allégrement sous vos pieds. Comme souvent dans ce pays on préfère bâtir un temple que de gérer l’assainissement et les ordures. Le village a commencé son écotourisme panthère en 2012, depuis les homestays (nom donné aux chambres  d’hôtes locales) ont fleuri pour accueillir les touristes en été pour les trekkings, en hiver pour la panthère. Cette activité a considérablement amélioré le niveau de vie de ses habitants. Finalement il ne reste plus qu’à leurs insuffler que la protection de la nature et le respect de l’environnement passent aussi par éviter de les salir…pas gagné !

La journée se termine par une petite cérémonie chamanique avec tout le village histoire de chasser les mauvais esprits et pour que l’année qui débute se passe sous les meilleurs hospices…

Les ruelles de Kibber …et son temple flambant neuf 

La sagesse de Kibber

…et sa jeunesse

12ième jour (26 février)

Constante du jour 91 en Oxygène et 69 de Cardio (le corps a repris le dessus en fabriquant des globules rouges…)

Journée blanche, on passe le temps en jouant aux cartes. On prépare notre départ pour le lendemain.

13ième jour (27 février)

Constante du jour 91 en Oxygène et 84 de Cardio

Retour vers New Delhi. Une longue accolade pour remercier les gens qui nous ont accueillis pendant ce séjour, ils sont tous là pour nous dire au revoir et pour nourrir l’espoir de nous revoir un jour. Je laisse derrière moi la vision d’un animal mythique que j’ai tutoyé quelques jours dans des paysages grandioses. Je pense aussi que cet équilibre qui existe aujourd’hui entre cet animal et ce village reste très fragile, chacun y trouvant pour l’instant son compte.

Une dernière photo de notre mâle. Nous apprendrons 3 jours plus tard qu’il est mort d’une chute après une ultime chasse ratée…

2 Comments

  • Hello Jean-Marie,
    Merci d’avoir pris le temps de nous raconter votre fantastique rencontre avec ce magnifique animal.
    Grace à ce récit nous avons pu partager un peu de cette aventure.
    à bientôt je l’espère… au plaisir de vous lire dans vos prochains périples.
    Amicalement,

    Filipe

  • Felix Meyer dit :

    An excellent read that will keep readers – particularly me – coming back for more! Also, I’d genuinely appreciate if you check my website Webemail24 about Search Engine Optimization. Thank you and best of luck!

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